Arrivés à Sandham (pas le Sandham de Meurtres à Sandham, ça ce sera pour plus tard, ce Sandham c’est un autre), on est tout à fait dans l’inconnu. Pour preuve : nous n’avons même pas de cartes nautiques de la Suède, notre prochaine étape est donc obligatoirement une « grande » ville pour s’équiper pour la navigation suédoise.


Sur le chemin, on lit un peu plus sur le contexte géopolitique de la Suède : globalement ils aiment vivre en paix, faire des alliance Danemark / Suède / Norvège / Finlande et les défaire, l’écologie, l’État-providence, les grands espaces et les conifères, ils ont Greta Thunberg et ABBA. Sur le papier, on adhère totalement au projet


A Kalmar - la « grande » ville - , un nouveau ponton visiteurs est accessible, depuis cette année, au pied du château de la ville. Apparemment, l’info n’a pas beaucoup tourné car après une bonne journée de navigation, nous sommes les seuls à être amarrés sur ce ponton, littéralement face au château médiéval de la ville alors que le port officiel est bondé. Jamais comme les autres ceux là, tant mieux !


Cette escale dans cette jolie petite ville est occupée à préparer le chemin qui va suivre. Perdus face aux multiples possibilités de routes et d’escales qui s’offrent à nous, on lit des comptes-rendu de voyages pour s’y repérer, on s’équipe en cartes et en piolets pour s’amarrer à la suédoise dans les mouillages (on vous expliquera plus tard leur utilité si on arrive à s'en servir) et on s’offre un petit siège de navigation pour un peu plus de confort. La marina étant équipée d’un sauna, on découvre un nouveau moyen d’obtenir des conseils de navigation : discuter tout nus en suant avec les suédois, ça brise la glace ! Globalement les gens sont intrigués par notre petit pavillon français et nous parlent très rapidement, on glane des conseils et des recommandations, un couple - dont lui arbore un magnifique tatouage « Born to sail » sur le biceps - attendant le vent du Nord pour partir en Allemagne, nous prédit « plus que quelques dizaines de miles, et vous arriverez dans les plus beaux endroits ».


On va aller vérifier cela.


Un lever aux aurores pour faire nos adieux au château, et nous voilà repartis sur la mer, avec un vent très timide. On sort pour la première fois du voyage notre Spi - cette grande voile avant qui fait une bulle, très efficace par vent arrière, mais très sensible à manier - avec une petite appréhension (la dernière fois, c’était entre Dieppe et Boulogne avec Clément et un coup de vent soudain nous avait fait une grande frayeur). Pas de coup de vent à l’horizon, beaucoup de concentration à la barre et à la girouette donneront plusieurs heures à se faire tirer par la voile bien gonflée sur une mer sans vague, avec un petit vent parfait pour l’exercice. Spi affalé, nous mettons cap sur notre première île : Oknö. Dans le chenal, ça sent les pins, les maisons rouges en bois colorent le paysage, et on débarque dans un tout petit port dans une ambiance entre Twin Peaks et Moonrise Kingdom. Pour emprunter des vélos, pas de soucis, les clefs sont sur les cadenas et pour payer la place, il suffit de mettre une enveloppe dans la boîte aux lettre de la cabane en bois. Antoine, qui attire systématiquement la sympathie des dames allemandes récupèrera encore des conseils d’étapes auprès de nos voisins, allemands, donc.


Et puis s’en suit une semaine de remontée de cette côte, découpée en archipels, entre Figeholm et Vastervik. Pour faire rapide : on sillonne entre les îles, îlots, cailloux (il y a plus de 220 000 îles en Suède!) et maisons rouges en bois, en se repérant aux balises vertes et rouges qui signalent des dangers (soit : des gros cailloux qui seraient fatals pour notre quille) et indiquent le chemin, le nez rivé sur notre Ipad et la cartographie les profondeurs. Le soir on cherche soit des petits ports plus mignons les uns que les autres, soit un refuge abrité du vent pour jeter l’ancre quelque part entre les sapins. Chaque endroit est fabuleux (même sous la pluie battante). On ressort notre kayak gonflable pour explorer les environs des mouillages.


Une grande partie des suédois met le cap au sud en ce début de vacances, c’est l’autoroute des voiliers ! On s’amuse à comprendre les codes de ces navigations : il faut partir tôt le matin si on veut avoir une place dans le port visé. C’est notre cas en arrivant sur l’île de Idö : personne à notre arrivée à 12h30 (nous c’est le vent qui nous avait fait prendre la mer très tôt), et de 14h à 16h c’est le grand débarquement, tout le monde s’aligne dans le petit port. Le lendemain à 11h, nous sommes de nouveau seuls ! Luciole intrigue de plus en plus (tout ce chemin en étant si petit !) ce qui facilite les échanges avec nos voisins suédois pour la plupart et parfois allemands ou danois.


Après Idö, trois jours de vents contraires et faiblards mais du beau temps annoncé : on en profite pour flotter d’île en île, aller manger des gaufres dans une improbable grange/café sur l’île d’Hasselö, faire du Kayak entre les sapins, se baigner, bronzer en bouquinant seuls au monde sur Luciole dans un mouillage.


Les vacances dans le voyage sont de courte durée : une nouvelle fenêtre météo s’offre à nous, le vent se lève dans la nuit et vient de l’ouest, cap sur le bout du chemin : l’archipel de Stockholm ! En début de soirée, nous partons de notre dernier mouillage, à l’heure de l’apéro (jamais comme les autres ceux là...), pour une navigation de nuit. Cap à 30 degrés : l’île d’Öja (dont Manon rêve, on l’appelle « son île ») sera notre porte d’entrée dans l’endroit qui est dans notre tête depuis des mois ! On est hyper enthousiaste, on a du mal à y croire, cette navigation bien qu’un peu longue nous paraît être une formalité tellement elle est tout droit sans aucun danger sur le chemin avec du vent dans la bonne direction. C’était sans compter sur des vagues de côté, très courtes et désordonnées qui secouent Luciole et donnent un affreux (le pire paraît-il) mal de mer à Manon qui passera la nuit roulée en boule dans la cabine avant à vomir, pendant qu’Antoine doit se priver de sieste pour conduire la barque à bon port. À 9h30, quand Luciole est amarré dans le petit port, on ne sait pas quel bonheur est le plus intense : celui de toucher du doigt notre rêve de rejoindre Stockholm ou celui d’être enfin sur la terre ferme.


Et maintenant ? Encore de la planification et des nœuds au cerveau. Nous nous donnons une dizaine de jours pour explorer l’archipel et arriver à Stockholm par l’Est. Et pendant que la France se prépare à se n-ième vague de chaleur, nous allons perdre 15 degrés ce week-end : on range les maillots de bain, cette exploration sera fraîche !