Notre porte d’entrée dans l’archipel de Stockholm à un goût de bout du monde. Une bande rocheuse de 500m de large sur 6km de long, plantée d’un gros phare blanc et d’un petit village rouge. On y trouve aussi les ruines d’une ancienne base militaire, des miradors et des bunkers qui n’ont absolument jamais servi, la Suède n’aimant toujours pas bien les conflits. Nous restons 2 nuits à Öja, bien protégés de la houle dans le fond du port, pour préparer notre exploration et récupérer de notre nuit blanche.


L’archipel, nous l’aborderons par son extérieur, l’outer archipelago, plus sauvage et à priori un peu plus épargné par le monde. (À ce que l'on nous a raconté, à Stockholm 90% des gens prennent leurs vacances en juillet, et depuis le Covid, tout le monde a acheté un bateau pour pouvoir s’échapper pendant leur toute petite saison d’été, de fin juin à début août)


C’est donc la reprise du rythme îles, îlots, cailloux, sapins. Les paysages sont tout de même bien différents que sur la côte Est suédoise, et sur l’eau : pleins de bateau, presque tous Suédois. Dans le ciel ? C’est … contrasté. Une première nuit au mouillage à Natarö la « seule île pourvue de plage de sables ». Les jolies plages sont bien là mais c’est avec un pull, des bottes et sans un chat sur le sable que nous les découvrons ! Quelques bouées rouges et vertes plus loin, c’est sur l’île de Utö, l’une des plus connues de l’archipel où nous nous arrêtons passer le week-end. Changement d’ambiance : il y a beaucoup de monde, c’est le va-et-vient des vacanciers et, dans le port, les barbecues fument tous les soirs accueillant les bandes d’amis venus à plusieurs voiliers. On croise aussi pas mal de gros Yacht, qu’on méprise un peu du coin de l’œil. Une belle randonnée à l’écart des sentiers battus nous fera découvrir la beauté de l’île, sa délicieuse boulangerie et ses cabanes de vacances sous un temps à peu près clément. Utö c’est aussi là où est né un sport complètement débile : le swim/run. Comprendre : courir sur une île, sauter dans l’eau et nager jusqu’à une autre île, le tout dans la même tenue pendant 12h, et à l’automne pour que l’eau soit bien bien glacée. (un documentaire à ce sujet est à regarder ici).


Chemin faisant, nous faisons escale tout à fait par hasard sur l’île de Bulerön, dans un petit mouillage abrité à son nord. Aucun chemin ne le relie aux quelques maisons qui forment le village, alors on s’aventure un peu dans les ronces, on tombe nez-a-nez avec les 3 vaches habitantes des lieux pour rejoindre un petit paradis de solitude : quelques petits gîtes/cabanes, un immense Lodge/ancien atelier d’artiste du début du siècle, un puits d’eau, des toilettes sèches et un sauna (qui n’est plus qu’un tas de centre suite à un « incident » de feu de bois). Tout est à disposition du voyageur qui arriverait là par hasard (comme nous). Au crépuscule, nous allumons un petit feu sur un rocher à côté de Luciole, avec un sentiment de gratitude immense sur ce qui nous est offert à voir et à vivre.


De cailloux en cailloux, nous arrivons à Stora Nassa : un petit archipel rocheux, où nous ferons notre première expérience de mouillage amarrés par l’avant du bateau sur les rochers, immense spécialité (et fierté) suédoise. Pour se faire il faut 1/ repérer dans le grand dico des ports et mouillages, le Harbor Guide, où sont les rochers homologués pour l’exercice (ceux qui tombent bien à pic dans l’eau). 2/ aller vérifier à l’œil si ça parait assez profond pour ne pas taper la quille 3/ jeter l’ancre par l’arrière du bateau, s’avancer doucement SANS TOUCHER les rochers 4/ l’équipier-ère saute par l’avant du bateau SANS GLISSER DANS L’EAU, insère des pieux (ceux achetés à Kalmar) dans une fente de la roche pour, enfin, amarrer l’avant. (Vous n’avez rien compris ? On a illustré la manœuvre en photos :) )


Il fait gris et pluvieux le jour de notre arrivée, nous sommes seuls avec 2-3 bateaux voisins. Le lendemain : grand soleil ! Petite vague de chaleur pour 72h sur l’archipel, on saute dans l’eau et on décide de rester une nuit de plus. On dirait que Luciole à du mal à partir de Stora Nassa : de fait, nous nous rendons compte que ce sera le point le plus au Nord et le plus à l’Est de l’aventure, et ça fait un petit quelque chose. Le soir, dans notre lit, nous regardons le point bleu de google map indiquer notre position, c’est presque dur à croire qu’on soit arrivé là haut.


Au petit matin, nous mettons donc cap à l’Ouest. C’est presque la première fois en 2 mois ! Nous rentrons un peu plus dans le cœur de l’archipel : on ne nous avait pas menti, c’est rempli de monde et ça fait tout bizarre à l’équipage habitué à être seul ! On fuit l’île de Möja après avoir ravitaillé les bidons d’eau qui s’asséchaient, on détale face aux dizaines de bateau dans le premier mouillage repéré, et on réussi à trouver en fin de journée un petit recoin épargné pour jeter l’ancre et passer la nuit. S’en suivent deux jours de navigations délicieuses : vent doux, air chaud, bateau qui glisse sur l'eau...


Et puis il faut se résoudre à rentrer en ville : Stockholm est là et c’est bien la destination finale de ce voyage aller. On est mi très émus, mi un peu tristes de savoir qu’après c’est le demi-tour. Le capitaine gère une entrée à la voile, entre les ferry, les navettes et les paquebots. Se dessine une immense fête foraine, et un port à son pied : le Vasa Hamnen. Il est d'ailleurs plein comme un œuf ! Nous nous faufilons dans la dernière place disponible, et surprise, le bateau voisin arbore un fier pavillon français et une immatriculation à Vannes !


Une première journée de visite avec 18 degrés au thermomètre sous un ciel gris bas et bruinant, nous laissera un goût mitigé de la ville que nous trouvons un peu tristounette, et surtout en immense chantier : une partie des bâtiments sont recouverts de bâches, des grues et des ageco ponctuent des vues, qui, on l’imagine bien, doivent être très jolies sans. Au fil des balades, des visites de musées, et d’un peu plus de soleil, nous trouverons bien un charme à Stockholm mais ce n’est pas une histoire d’amour folle entre nous !


À bord, on fête la moitié du voyage, et on décide de ne pas appeler ce qui nous attend « le retour » mais « la deuxième partie ». Tout le monde se prépare à redescendre vers le sud-est, on fait un ménage de printemps, plusieurs lessives, des grandes courses de ravitaillement… On répare aussi un petit accroc dans notre voile d’avant avec l’aide de nos voisins de ponton - un couple de retraités du Sud Bretagne ayant bien bien bien baroudé les mers, il nous raconteront leurs aventures sur tous les bateaux qu’ils ont eu, embarquant pendant des années leurs 4 garçons dans la cale - et on fait un tour au Ship Lander pour acheter notamment un nouveau bidon d’eau qui nous aidera rester un peu plus de temps loin des ports, et un grille-pain de camping pour mieux profiter des croutons un peu rassis.


Tout le monde se prépare à ce retour ? Pas vraiment ! Si nous nous avons décidé de repartir au Sud, on dirait que le vent n’a pas du tout compris le projet ! Les prévisions prévisionnent : du vent du sud, du vent de l’ouest, du sud, de l’ouest (on aurait adoré avoir ces prévisions il y a quelques semaines d’ailleurs!). Alors, on étudie toutes les possibilités pour la redescente de la Suède : revenir sur nos pas et visiter les endroits sur lesquels nous avons fait l’impasse à l’aller (Götland, öland) mais avec le vent dans le nez, ou bien emprunter un canal et couper le pays par l’intérieur (le Göta Kanal), moins aventureux, mais plus confortable ? Encore une fois, personne ne sait, c’est le grand festival des dilemmes, des pour, des contres mais si il y a bien une chose dont on est sûrs maintenant : ce n’est pas vraiment nous qui prendrons la décision finale !


En attendant d'y voir plus clair sur notre future route, 4 jour sans naviguer nous suffisent et l'équipage repart de Stockholm, en route pour la maison ! Mais avant : retour dans l'archipel pour notre plus grand bonheur.