Après avoir laissé passé quelques orages, nous avons quitté le port de Copenhague à 23h, dans une ambiance opposée à notre arrivée : un ciel sombre et une mer noire. Il n’y avait pas beaucoup de monde encore debout au milieu de la nuit : quelques voiliers qui prenaient la même petite fenêtre météo, un ou deux bateaux de pêche. Nous longeons la côte Suédoise toute la fin de nuit pour aller attraper un petit canal suédois, le Falsterbokanal, qui nous servira de raccourci. Arrimés au ponton d’attente (en plein vent, de surcroit, bien fort) à 4h30 (le canal n’ouvre qu’a 6h du matin), Luciole fait des sauts de cabris dans les vagues et tape le catway : la sieste sera agitée et de courte durée.


À peine un pied posé en Suède, nous levons le camp, il reste de la route avant d’arriver à Bornholm. Cette île, c’était notre objectif initial quand nous avons bifurqué vers Copenhague, autant dire qu’on est assez motivés pour manger les 60 milles qui nous séparent encore d’elle. Une longue journée (quand l’un ou l'une dort, l’autre barre jusqu’au début de l’après-midi) en vent arrière, et dans une grosse houle en fin de traversée qui donnera le mal de mer à tout le monde. Quelques empannages plus loin, l’île se dessine, on la contourne pour rejoindre tout au Nord, Allinge, port prisé des plaisanciers - à ce qu’on en dit.


Bornholm, appelée « Corse Danoise » ou « Perle de la Baltique » est très fréquentée en pleine saison, elle est connue pour ses églises blanches et rondes, ses harengs fumés, ses plages de sables blancs (et aussi sa passion pour les loisirs créatifs et la fabrique de verre). Nous, on arrive juste avant les touristes.


Deux jours à Allinge, suivi de deux jours à Gudhjem nous permettent de découvrir le nord de cette délicieuse île aux maisons colorées, et de bien nous reposer, au sec dans le ventre de Luciole - la météo ne nous permettra pas de lézarder au soleil tous les jours. On fera tout de même nos premiers bains de mer, dans une eau presque pas salée. Enfin, bains de mer, ici la tendance est au trempage : les danois aiment se jeter dans l’eau depuis un ponton, tremper quelques minutes, et ressortir. On ira donc se tremper un peu.


Le 4e jour, nous emboiterons le pas au ferry et au bateau du transport postal qui effectuent les navettes avec l’île de Christiansø, depuis Gudhjem. Territoire de la couronne danoise, à une enjambée de mer de Bornholm, cette petite île est une merveille. Cent personnes y vivent à l’année, elle abrite une réserve d’oiseaux et accueille les bateaux qui ont eu la curiosité de pousser un peu. Le capitaine avait ce bout de caillou en tête bien avant notre départ, et quelle bonne idée il a eu. Par endroits on se demande si nous n’avons pas atterris dans le maquis du sud de la France, dans une crique d’une île varoise. On s’offre une glace face au soleil, une baignade/trempage au milieu des oiseaux, puis retournons à l’Est voir le coucher de soleil. Nous rencontrons plusieurs personnes dont le rêve de venir ici est inscrit dans leur tête depuis, pour l’un d’eux, 30 ans.


Nous, notre rêve c’est d’aller en Suède, et de là ou on est, on ne peut plus y manquer, la prochaine étape sera suédoise (à moins d’y mettre beaucoup de mauvaise volonté ou de changer d’avis pour la Pologne) ! Et c’est bien au Nord Est que nous mettons le cap en ressortant de Chistiansø, direction Sandham. Nous faisons volontairement l’impasse sur les fjords du sud du pays (peut être au retour ?). L’archipel de Stockholm, bien qu’encore très loin, nous parait pour la première fois à portée de voile. Alors, après une longue et monotone journée sous un ciel bleu et un vent mollissant, nous passons la barre des 1000 miles nautiques navigués depuis Deauville (1852 kilomètres à une moyenne de 7 km/h), et nous entrons dans notre premier port Suédois. Quand même, quelle émotion de monter le pavillon de courtoisie jaune et bleu ! On a emmené Luciole en Suède, et ça, on sait pas vraiment comment on a fait !