La principale difficulté quand on veut naviguer autour des îles de la Frise (ces îles toutes en longueur au dessus de l’Allemagne) c’est qu’elles sont régies par des marées, des hauts fonds de bancs de sable qui se déplacent, et des courants très forts (miam). Ce qui a donc valu à notre capitaine des heures à étudier les cartes, les horaires et les conseils d’autres marins. C’est donc l’œil fixé sur le sondeur (pour éviter d’aller se planter dans un banc de sable), et le bateau porté par les courants que nous avons accosté en Allemagne, sur l’île de Borkum. Un port sommaire, où les bateaux sont à couple ou à triple (les uns attachés aux autre, le premier étant lui même arrimé au quai : grand bal quand il faut que celui au quai parte en premier…), flanqué au pied de deux grandes éoliennes, encerclé par des lapins, où l’on règle sa nuit dans un café. Ici, nous rencontrons un couple de bretons/normands partis pour le même périple que nous, à la différence près qu’ils sont accompagnés de leur tout petit de 13 mois dans leur bateau !


Nous n’avons rien vu de cette île pourtant hautement touristique et après de longs calculs de marées, nous partons pour une longue traversée d’une petite centaine de milles (la plus longue de notre petite expérience de navigateur.ice). Il était temps de sortir un vieil ami du fond de la cale : le pilote automatique pour nous accompagner une longue après-midi dans la mer du Nord, à longer les îles de la Frise en vent arrière jusqu’au coucher du soleil. Pendant la nuit, sous une pleine lune magnifique, Luciole se retrouve à contourner une zone d’attente des cargos et porte-conteneurs, qui attendent de pouvoir rentrer dans l'Elbe et le port de Hambourg : un grand moment de jeu pour Antoine (notre AIS nous aide à les repérer, ils ne bougent pas, brillent dans le noir il « suffit » de les contourner), un grand moment d’angoisse pour Manon, tapie au fond du bateau sous des plaids. Au petit matin, le courant repasse dans le bon sens, le vent remonte, et nous devons remonter 20 milles de chenal, face au vent, accompagnés des géants monstres des mer : autant dire qu’on est heureux d’arriver à Cuxhaven, dans l’embouchure de l’Elbe, après quelques heures matinales sportives !


Cuxhaven, c’est la station balnéaire allemande par excellence, qui nous fait découvrir deux essentiels de ce voyage au nord : 1/ les cabanes pour prendre le soleil en se protégeant du vent 2/ les sandwichs de poisson frais. Rien que pour ça, ça valait le déplacement.


Et maintenant, la mer Baltique n’est plus très loin : il ne nous reste « plus qu’à » aller emprunter le canal de Kiel qui coupe l’Allemagne pour ne pas avoir à contourner le Danemark (c’est bien pratique). Pour nous, c’est assez mythique, on parle de ce canal depuis tellement longtemps que c’est très symbolique d’y arriver enfin. Avant cela, il faudra négocier une remontée de l’Elbe dans un courant favorable très fort (bonne nouvelle), mais qui nécessite une petite pirouette au moment d’attendre l’ouverture de l’écluse d’entrée (moins bonne nouvelle) : pas de ponton d’attente, il faut se stabiliser et réussir à remonter à contre-courant au moment où le signal qui autorise l’entrée s’allume. Nous aurons beaucoup de chance, le signal passe au blanc au moment de notre arrivée : peu d’attente et un grand soulagement de l’équipage et de Luciole, qui, avec son petit moteur aurait peiné à remonter le courant. S’en suivent deux jours monotones au moteur dans un canal bucolique, beaucoup plus large et rectiligne que ce que nous avons vu en Hollande. On se relaie à la barre, podcasts dans les oreilles pour passer le temps, croisant à intervalle régulier les gros porte-conteneurs. Traverser la mer du Nord, l'embouchure de l'Elbe et le canal de Kiel, et croiser tous ces immenses navires donnent pleinement mesure de ce qu'est la mondialisation (et c'est pas terrible).


Une nuit au milieu du canal, un réveil au soleil et quelques heures plus tard, amarrés dans l’écluse de sortie, la porte s’ouvre et derrière : la mer Baltique. Un autre invité est de la partie : l’été !! On nous l’avait dit, en Baltique, on change de climat, plus chaud que la Bretagne l’été et c’est vrai. Le soleil est là et est enfin chaud ! (L’une de nous commençait à trouver le temps long sous son bonnet.) Nous atterrissons dans une grosse marina un peu après Kiel, à Laboe, petit bateau toujours au milieu des très gros voiliers. Tandis que les plaisanciers allemands sont occupés à vider des canettes de bières dans les cockpit, pour nous, la fin d’après-midi sera consacrée à re-remplir les cales tant que nous sommes en Allemagne et que les prix sont encore abordables. Le soir, on s’offre du hareng grillé à côté de la plage bien mignonne de cette petite ville pour fêter notre premier mois de mer.


La baie est en effervescence : la semaine de Kiel, l’un des plus gros rassemblement nautique du MONDE commence dans quelques jours. Équipes olympiques de voile et de planche à voile, vieux gréements, touristes, tout le monde rapplique. Nous, on profite d’une fenêtre météo favorable pour lever le camp rapidement, et après une belle navigation rapide sous le soleil, au travers avec pas mal de vent et de vagues, les falaises d’une petite île Danoise apparaissent. Nous sommes arrivés sur Langeland, et au programme : un peu de repos !


Nous sommes partis le 15 mai de Deauville et mettre notre quille dans la mer Baltique le 15 juin est très satisfaisant. C’est maintenant une seconde partie du voyage qui débute, découvrir un peu du Danemark, et plus loin, la côte balte de la Suède. On se met à rêver de petites maisons de couleurs sur les îles, de criques de sable blanc, de nuits dans des cabanes (de sandwichs de poisson, encore), et on essaye d’apprendre des mots avec des Å, Æ et Ø… À nous la Scandinavie ! Hej !