Après deux jours à visiter Göteborg (qui nous a beaucoup plu), profiter du soleil pour bouquiner dans ses parcs, manger des pâtisseries (le fameux "Fika suédois" : s’envoyer des gâteaux avec un café à 15h) et boire des coups en terrasse dans une ambiance estivale, nous quittons la ville pour rejoindre son archipel et attendre, les pieds dans l’eau, les vents favorables pour traverser le bout de la Baltique entre la Suède et le Danemark - le Kattegat.


Ce n’est qu’une fois sur l’île de Vrångö, au sud de l’archipel de Göteborg, qu’on réalise que ce sont nos derniers jours suédois ! Et le hasard a bien fait les choses : cette île est l’une des plus belles visitées en Suède (Note pour plus tard : revenir découvrir la côte ouest suédoise et remonter jusqu'aux fjords norvégiens !). Bondée lors de notre arrivée (les suédois ont sauté sur l’un des derniers très beaux week-end de la saison après un été… mitigé), on se retrouve presque seuls le lendemain et Vrångö nous offre deux couchers de soleils inoubliables, et des dernières baignades suédoises délicieuses.


Un lundi, à 4h30 du matin, nous quittons, en silence, la Suède. Un peu comme on part de chez un ami qui nous a hébergé pour aller prendre un train très tôt le matin, en laissant un post-it sur la table « Hello, il est très tôt on n'a pas voulu te réveiller. Merci pour tout, c’était vraiment très cool ce moment passé chez toi. On revient bientôt, c’est promis. Prends soin de toi. Antoine, Manon & Luciole ».


Débute une journée, à la voile (enfin!), dans une mer remuée (hauts fonds + vent soutenu = vagues), qui brasse l'équipage, soulagé de mettre pied à terre sur l'île d'Anholt. Ce petit bout de terre, perdu au milieu de la mer, est surnommé la « Majorque de la Baltique » : des immenses plages de sable fin et blanc et une eau transparente, dans laquelle on se baigne toute la journée. L'île est composée à 80% d'un désert, résultat d'années de coupe du bois pour le chauffage et l'exploitation du - stratégique - phare situé à la pointe Est de l'île. Si une centaine d'habitants vit ici à l'année, on nous raconte qu’en pleine saison le port est tellement bondé qu’on peut le traverser en long et en large, à pied, en passant de bateau en bateau et qu’il faut parfois attendre de longues heures à l’extérieur du port avant qu’une place se libère. À 70km du port le plus proche, c’est plutôt rassurant de ne pas avoir vécu cette expérience après une journée nauséeuse. Mais mi-août, c’est la fin de saison et ça se sent : tout commence à fermer, les terrasses de café sont vides, les jours raccourcissent à une vitesse folle, la lumière est celle de la fin de l’été et le soleil de plus en plus bas. Nous restons trois jours à Anholt, dans cette ambiance de fin du bal, tout le monde étant sur la route du retour vers son port d’attache danois, allemand, suédois, norvégien... ou français pour Luciole !


On entame donc ensuite la redescente : une semaine pour rejoindre Kiel via le Danemark, en empruntant la Little Belt, un chemin qui longe la côte, sillonnant, encore une fois, de jolies îles.


Les jours se suivent et ne se ressemblent pas !


Une première longue journée avec un tout petit vent arrière, quatre heures sous spi - que nous commençons maintenant à maîtriser - pour huit heures de moteur ! Les retrouvailles avec le Danemark se font sur l’île de Tunø : son petit village, son église (dont le clocher fait aussi phare, d'où la blague locale que la femme (ou le mari !) du pasteur est aussi celle du gardien du phare), sa micro-brasserie, ses fruits et légumes et ses Lopper Market (partout, on trouve des petits stands de vente libre : maraichers, vides greniers, confitures maison : il suffit de laisser l’argent dans une tirelire et se servir, c'est l’esprit danois). Ici, l’histoire raconte que, à l'heure du petit déjeuner, Manon aurait sauté en pyjama dans le port, ayant laissé tombé par mégarde sa liseuse dans l’eau, sous l’œil surpris de marins allemands et danois. La liseuse a été récupérée (elle n’a par contre jamais repris connaissance). Mais, Antoine n’était pas sur place pour confirmer si cette légende est vraie, et Luciole, mal réveillé, n’a rien vu non plus.


S’en suit : un premier trajet vers le sud, sans vent, au moteur sur une mer plate dans un brouillard mystique, salué par des petits nez brillants de phoques qui apparaissant ici et là. Un nouveau jour sans vent, où, au milieu d’après-midi, l’équipage, fatigué d’entendre ronronner le moteur, décide de le couper pour profiter d’un filet de vent : on ne va pas vite du tout mais on navigue ! Cette décision sera récompensée par deux marsouins de passage qui viendront jouer autour de notre coque ! Le soir sur l’ile de Bågø, rencontre d’un couple allemand sur leur bateau nommé « Fleur de sel » (en français dans le texte), hilares à nous raconter que leur précédent voilier s’appelait « Coq au vin » (bien sur, il était rouge), et leur premier « Petit four ». Ils nous offriront un bocal de pâté à la griotte, en échange de la dernière bouteille de bière des Flandres (d'Esquelbecq) restant dans notre cale : c’est aussi ça cette redescente, des rencontres, de quelques minutes parfois, qui nous font beaucoup rire.


Au bout d’une semaine, et après l’une des plus belles journées de voile du voyage, à zigzaguer entre les îles (qui contrebalance les longues heures de moteur des jours précédents), nous arrivons sur l’île d’Ærø, tout au Sud du Danemark - la voisine de notre toute première île danoise Langeland. Nous ne sommes pas en retard sur notre timing, et puis de toute façon, les prévisions météo nous annoncent qu’il ne sera pas possible de rejoindre la mer du Nord dans les prochains jours. Alors, à quoi bon se presser ? Nous nous offrons trois jours à savourer cette fin de tour de la Baltique, sous le soleil : on flâne dans les rues pittoresques d’Ærøskobbing, on fait le tour de l’île en vélo (l’occasion de ramasser des tonnes de mures pour en faire une tarte le soir même, et quelques bocaux au sirop), on passe une nuit dans le plus petit port du périple, sur l’île, hors du temps, de Birkholm (dont le point le plus élevé culmine à... 2 mètres). À Marstal, un port historique important du Danemark, nous avons rendez-vous avec un musée maritime dont absolument tout le monde nous a parlé. Quelques maquettes de voiliers et bateaux en bouteille plus loin (vraiment, si vous allez à Marstal un jour : allez dans ce musée), un tour dans cette ville - dont les pubs et restaurants sont terriblement tristes et vides sans leurs plaisanciers qui les peuplent tout l’été - et c’est l’heure de partir.


Pour la première fois, nous allons recroiser le chemin de l’aller. Et c’est un sentiment de gratitude immense, et le cœur rempli de souvenirs de jolis ports, de couchers de soleil, de belles navigations, d'affectueux mal de mer, de découvertes enjouées d’îles, d'îlots et de cailloux, de rencontres de ponton, de rues pavées, de majestueux phares et de petites maisons colorées (j’en passe, évidemment), qui nous accompagnent direction l’Allemagne.


Et quelle émotion lorsque nous passons devant le phare de Friedrichsort, longé dans l’autre sens le 15 juin dernier, et que notre quille quitte l’eau de la mer Baltique pour entrer dans la baie de Kiel !


À peine amarrés au port, c’est Klaus - rencontré dans le précédent épisode - qui vient nous chercher : nous sommes invités par l’équipage de Ø dans leur maison familiale à une cinquantaine de kilomètres de là, où nous sommes reçus comme des rois par nos hôtes. Après une joyeuse soirée franco-allemande (par le plus grand hasard, un couple d’amis bretons de Klaus et Maren sont également de passage ce soir là), partageant le vin d’orange de/offert par Mamie Françoise avant le départ, nous revoilà sur notre Luciole à préparer la suite.


« Et la suite c’est quoi alors? » vous allez me dire. Et bien, on a plein de choses et d’ambitions en tête pour ce retour (on ne va pas se mentir, on est plus en « deuxième partie de voyage » là, il faut rentrer à la maison maintenant)! Mais comme toujours, entre nos rêves et la réalité, le seul arbitre c’est la météo. Ce dont on est sûrs, c’est que demain matin, nous nous présenterons devant l’immense écluse de Kiel qui refermera sa porte sur notre Baltique adorée pour entamer le canal, rejoindre l’Elbe et quand le vent soufflera enfin vers l’ouest nous nous jetterons dans la mer du Nord, parés à renouer avec les marées, les courants et, si possible - s'il vous plaît - pas trop de vagues !